Interview de Patrick Dalsace, Cofondateur de LaFourchette

Entretien exclusif avec Patrick Dalsace, cofondateur de la solution de réservation de tables en ligne LaFourchette.

LaFourchette n’est pas votre première expérience entrepreneuriale, non ?

C’est vrai. En 2000, j’ai monté Jtech France, une société qui existe toujours, et qui importe des États-Unis des bippers pour la restauration et l’hôtellerie. Cela a été une aventure incroyable ! Je n’y connaissais rien, je n’avais que les pages jaunes pour faire de la prospection et je n’avais aucun fonds propre ! Et très rapidement la société a commencé à avoir des clients et une certaine légitimité.

Comment avez-vous connu votre associé ?

Fin 2001, la société Internet de Bertrand Jelensperger n’a pas réussi à résister à l’éclatement de la bulle de l’époque. En 2002, son frère Marc, un de mes meilleurs amis a joué les « go-between ». Dès le premier rendez-vous le courant est bien passé entre nous et nous nous sommes associés dans JTECH France.

Votre première entreprise fonctionnait. Pourquoi avoir décidé de vous lancer dans un nouveau projet de création ?

Nous avons eu envie de faire un peu autre chose… Alors nous avons commencé à chercher des idées. Notre premier projet était un site de vente de lentilles moins chères que chez les opticiens. Nous avions fait tout un business plan, mais la difficulté était qu’à l’époque en France, il était interdit de vendre ce produit de santé sur Internet. Notre autre idée était de créer un site de vente par abonnements de lames de rasoir ou de chaussettes…

Et comment êtes-vous arrivés au concept de LaFourchette alors ?

Nous partagions nos bureaux avec l’ancien directeur Europe de Yahoo. Nous lui avons parlé de nos différents projets et il nous a tout de suite mis en garde. Il nous a dit « Ce que j’ai appris dans ma vie professionnelle, c’est que votre domaine de compétence c’est le m2 de connaissance qu’il y a sur votre bureau ! ». Et sur notre bureau, il n’y avait que des livres liés à la restauration. Il nous a conseillé de nous lancer plutôt sur un business lié à notre domaine de compétence afin d’aller plus vite et d’être plus crédibles. Quelques temps après, en allant à l’étranger, nous avons découvert qu’apparaissaient des solutions de réservations de tables en ligne. C’est comme ça que l’idée de LaFourchette est née.

Et votre première entreprise ?

Nous avons 6 salariés qui travaillent toujours sur son développement. JTECH France est une très petite entreprise, toujours leader sur son secteur d’activité. Mais c’est vrai que c’est beaucoup plus petit que LaFourchette.

Les restaurateurs vous ont-ils tout de suite fait confiance ?

Nous avions la chance d’avoir un réseau de restaurateurs qui nous connaissaient déjà bien grâce à JTECH France et qui nous ont suivis sur LaFourchette. D’autres nous ont pris pour des fous ! En même temps, je trouve ça toujours flatteur : nous sommes des fous qui apportont de vraies solutions à une vraie problématique !

Vous avez fait très vite une première levée de fonds. Est-ce que ça a été difficile de lever ?

Je pense que ça a été moins difficile que pour beaucoup d’autres. Bertrand Jelensperger et moi avions déjà créé une entreprise qui fonctionnait dans ce secteur d’activité et nous avions déjà des restaurants partenaires de LaFourchette, ce qui a donné confiance aux business angels. De plus, sur les 800 000 € dont nous avions besoin, nous avions réussi à en trouver 400 000 auprès de personnes que nous connaissions. à ce moment là, nous avons croisé la route de Pierre-Edouard Sterin, le fondateur des coffrets Smart-Box. Dès le départ, il a cru en LaFourchette et en nous et a souhaité investir. Le timing n’était pas bon car nous étions sur le point de signer avec nos business angels. Nous avons donc préféré décliner son offre tout en restant en contact avec Pierre-Edouard. Quand il a fallu faire une deuxième levée de fonds un an et demi plus tard en décembre 2008, il nous a suivis. Or, il faut se rappeler qu’à l’époque, la bourse venait de s’effondrer. Et entre le début des négociations et la signature, Pierre-Edouard Sterin n’est jamais revenu sur la valorisation de LaFourchette. Cela nous a marqués.

Etes-vous toujours actionnaires majoritaires de l’entreprise ?

Non, c’est Otium, le fonds de Pierre-Edouard Stérin qui est l’actionnaire majoritaire. Des fonds d’investissements sont également entrés au capital en 2012, quand nous avons levé 8 millions d’euros. Est-ce que cela change quelque chose pour nous ? Absolument pas ! On a toujours la même envie avec plus de moyens !

Quelle a été la plus grosse difficulté dans le démarrage de LaFourchette ?

Je pense que cela a été d’expliquer aux restaurateurs notre concept. Leur faire comprendre qu’être réservable en ligne c’est rendre service à leurs clients, que le yield management qui se traduit à travers des promotions est utile, tout comme de vrais avis clients qui permettent au client final de se faire une bonne idée du restaurant dans lequel il va aller. Pas toujours facile… Mais globalement Bertrand et moi n’avons que des bons souvenirs et de toute façon nous n’avons pas le temps de nous souvenir du reste. Notre philosophie a toujours été de nous servir des obstacles que nous rencontrions pour nous élever, faire grandir LaFourchette, plutôt que d’essayer de les contourner.

Et quel est alors votre meilleur souvenir dans l’aventure ?

Quand nous avons rencontré le grand chef Paul Bocuse, il a tout de suite dit : « Vous vous rendez-compte, la petite pizzeria du coin qui est sur LaFourchette est plus facilement réservable que mon restaurant » ! Il a tout de suite adhéré au concept. Et, récemment, quand un journaliste l’a questionné sur son éviction du Champerard, Paul Bocuse a répondu : « Confidence pour confidence, je fais partie des Chefs qui accordent plus de confiance à LaFourchette ».

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