
Le groupe Actual vient de publier son Livre Blanc pour l’Emploi en France. Cet ouvrage recueille les propos de 80 dirigeants d’entreprise français, qui confient leurs expériences et donnent leur avis sur 15 points relatifs à la situation de l’emploi en France. De la formation dans les écoles aux Prud’hommes, en passant par le dialogue social, les intervenants livrent leurs idées pour lutter contre le chômage, développer l’emploi et libérer la croissance des entreprises. Petit tour d’horizon.
Une initiative pour encourager la réforme de la loi Travail
Diffusé cette semaine à 2 500 exemplaires, ce Livre Blanc pour l’Emploi en France réunit les suggestions de 80 dirigeants d’entreprises décidés à lutter contre le chômage, développer l’emploi et libérer la croissance des sociétés du pays. Ils ont alors fait le choix de rejoindre cette aventure avec la volonté d’embaucher, ce que la législation actuelle ne leur permet pas toujours de faire. Rédigé dans le but de faire réagir les décideurs politiques à la veille de la réforme sur la loi Travail, l’enjeu de cet ouvrage est de trouver des pistes qui permettraient de revenir à des entreprises qui font des Ressources humaines leur priorité. « Nous sommes heureux d’avoir abouti dans cette démarche commune originale », se réjouit Samuel Tual, président du groupe Actual et initiateur de la démarche. « Le résultat de cette écoute est très concret, un Livre Blanc pour l’Emploi, à l’image de la réalité des acteurs économiques et du besoin d’Innovation Sociale identifié partout en France. » Il rappelle ensuite : « L’autre défi désormais, et pas des moindres, est d’être lus et écoutés par nos nouveaux décideurs. Nous devons leur apporter cet éclairage du terrain ; les entrepreneurs ont envie d’agir plus encore et attendent une vraie réforme du Travail qui ouvrira la voie de la réussite collective, la voie d’une France qui attire les talents, d’une France où il fait bon vivre et travailler, d’une France qui encourage l’entrepreneuriat. » Pour mieux comprendre de quoi il ressort, voici quelques-unes des idées évoquées dans l’œuvre, remise mercredi dernier aux décideurs concernés.
L’emploi dès l’école
Les premiers points évoqués dans l’ouvrage renvoient à la formation scolaire et à son rapport à l’emploi. Constatant que l’école ne forme pas réellement à des métiers, les entrepreneurs interrogés suggèrent notamment que cette institution devrait, avant tout, faire prendre confiance aux élèves, leur conférer une bonne maîtrise de l’anglais ainsi que du français, et leur donner le goût d’apprendre. Remarquant, par ailleurs, que l’école s’avère extrêmement déconnectée du monde de l’entreprise, ils poursuivent en suggérant qu’un meilleur accès aux stages et jobs d’été pour les étudiants constituerait un bon début, tout comme la venue régulière des enseignants dans les entreprises et l’attribution d’une place réservée aux entrepreneurs dans les conseils d’administration des lycées.
Repenser les formations pour préparer les étudiants au monde de l’entreprise
La formation continue reste une nécessité, conviennent les entrepreneurs réunis sur le projet. Celle-ci pourrait, toutefois, laisser davantage de place à l’expression de chefs d’entreprise expliquant leurs véritables conditions de travail, soulignent-ils. L’apprentissage et les métiers manuels doivent, quant à eux, se voir impérativement revalorisés auprès du grand public, selon eux. L’idée que des activités manuelles soient réinstaurées dès l’école primaire est d’ailleurs mentionnée. Au sujet de l’apprentissage, les intervenants émettent plusieurs idées comme diminuer le coût de l’alternance, favoriser la venue des enseignants dans l’entreprise de leurs élèves, envisager la création d’un service entreprise au même titre que le service civique ou militaire et développer l’apprentissage pour toutes les filières.
Conflits générationnels et valeur du travail
Les différences d’attentes et de comportement variant selon les générations, les intervenants ont souligné l’impact de cette réalité sur les entreprises. Selon eux, une réflexion intense sur le sujet permettrait d’aboutir à un mode de management plus adapté aux jeunes générations arrivant sur le marché du travail. D’autre part, certains facteurs démotiveraient les demandeurs d’emploi à chercher du travail tels que la faible différence entre le salaire minimum et le montant des aides sociales accordées aux chômeurs. Une baisse de ces dernières permettrait alors de faire diminuer le nombre de chômeurs.
Fonctionnement interne des entreprises
Les thèmes relatifs à la bonne marche d’une société se trouvent, évidemment, au cœur des problématiques abordées. Tout d’abord, la question de la mobilité, toujours difficile en France pour de nombreuses raisons, constitue un réel dilemme pour les intervenants. Le développement d’une meilleure connexion des campagnes et l’adaptation des règles afin de pouvoir travailler depuis chez soi sont suggérés par les dirigeants d’entreprise interrogés. Les relations entre dirigeants et syndicats font également l’objet d’observations de leur part : ces derniers étant jugés non-représentatifs des salariés, l’une des idées émises consisterait à recourir davantage aux moyens digitaux de sorte à demander directement l’avis aux salariés.
Les contrats de travail tels que le CDI (Contrat à Durée Indéterminée) ont, évidemment, suscité une attention toute particulière chez les entrepreneurs. Perçus comme trop rigides, les contrats comme celui-ci pourraient, selon leur propos, être ré-étudiés afin de muter vers une forme unique de contrat, facilement modifiable.
La contrainte des seuils qui pèse sur les entrepreneurs a, elle aussi, suscité de nombreuses réflexions. Ces quotas poussent certains d’entre eux à maintenir leur effectif en dessous des limites imposées alors qu’ils auraient réellement besoin d’embaucher. Pour contrer ce phénomène, les personnes interrogées suggèrent, par exemple, le remplacement de ces seuils par des charges et obligations.
Fins de contrats de travail
Le licenciement et les ruptures conventionnelles ainsi que les prud’hommes se voient, eux aussi, remis en question. Le premier étant trop compliqué à mettre en place, selon les intervenants, une meilleure visibilité sur les coûts engendrés pourrait notamment faciliter les choses. Concernant la rupture conventionnelle, il s’agit d’une avancée dans le domaine des ruptures de contrats mais qui donne lieu à certains abus, en antidatant ces documents pour diminuer le délai de rétractation, par exemple. Pour parer ce phénomène, les dirigeants suggèrent, entre autres, une réflexion sur la protection accordée aux salariés quittant ainsi l’entreprise. Les procédures prud’homales nécessiteraient, quant à elles, de sérieuses réformes. Les procès injustifiés devraient, par exemple, être punis d’amendes, selon les personnes interrogées.
Qui sont ces dirigeants d’entreprise interrogés ?
Les 80 participants proviennent d’horizons très divers, partageant tous la volonté de changer les choses afin de pouvoir embaucher plus simplement et réduire le chômage. Parmi eux, Alain Allaire (Président de Gestal, groupe industriel de serrurerie, chaudronnerie, mécanique, tuyauterie, électricité, 500 salariés), Thierry Ambroise (DG délégué d’Ambroise Bouvier, société de transport routier, 520 salariés), Jean-Paul Atouil (PDG de Hofia, société de courtage en assurances et cautions financières, 16 salariés), Dominique Desjeux (Professeure émérite, La Sorbonne Paris Descartes), Fabrice Drouillard (Président de SOFAGEM-CORSER, société de nettoyage industriel, 300 salariés), Hervé Louboutin (PDG de Nouvel Ouest SA, revue économique, 10 salariés), Bruno Lucas (PDG du groupe Lucas, groupe de BTP, 900 salariés), Yann Madec (Dirigeant de VAL PG, société d’imprimerie, 40 salariés), Nathalie Madiot (Responsable RH dans une ETI fabriquant des doubles vitrages), Virginie Malnoy (Directeur région Bretagne-Normandie d’Harmonie Mutuelle, 900 salariés), Sylvain Roger (DG de Prefa Technicof, société de construction de coffrages, 15 salariés), Pierre Rousseau (Président de Rapido, constructeur de camping-cars et mobilhomes, 1300 salariés), Hugues de Saint-Vincent (Indépendant, activateur de leadership), Jean-Philippe Sellier (Président du groupe SEGASEL-JPMCS, société de location, carrosserie et réparation poids lourds, 46 salariés), Henri Seroux (Senior VPEMEA de Manhattan Associates, éditeur de logiciels, 230 salariés en Europe), Yann Trichard (Président de la CCI Nantes Saint-Nazaire et dirigeant de SYD conseil, société d’informatique et de conseil, 128 salariés), Jean-Charles Vézo (Gérant de Vézo Services, société de transports, 150 salariés), Emmanuel Vielliard (Président du Centre technique des industries mécaniques, 1000 salariés).