
Les petites entreprises sont, à l’heure du changement, en ligne de mire sur bon nombre de fronts : recrutement, coût du travail, accès au crédit bancaire, investissement… Et la loi de finance rectificative prenant effet au 1er septembre porte un nouveau coup (coût) à ces petites structures déjà fragilisées.
Un des articles de la loi TEPA du 21 août 2007 exonérait de l’impôt sur le revenu les heures supplémentaires et allégeait les cotisations sociales pour les salariés et les employeurs ayant recours à ce dispositif.
Résultat : Le cumul des deux avantages, heures rémunérées au brut et déductibilité de l’impôt sur le revenu, a permis à 9,4 millions* de salariés de gagner 3,2 milliards d’euros, soit une moyenne de 500 euros par an ou 42 euros par mois.
Aujourd’hui qu’en est-il ?
Depuis le 1er septembre, un collaborateur dont le salaire horaire est de 10 € (soit 0,60 cts de plus que le SMIC) brut de l’heure et qui travaille dans l’entreprise 169h par mois (soit 151 h + 17h33 en heures supplémentaires) perd sur son bulletin de salaire, 47,65 € mensuels : 17h33 X 12,5 € x 0,22 % (charges sociales) = 47,65 €. On peut y ajouter environ 9,29 € d’impôts mensuels (en prenant le cas de la tranche marginale à 5,5 %) ce qui nous donne 47,65 + 9,29 = 56,94 € x12 = 683, 28 € à l’année.
Qui va compenser ?
Les entreprises déjà largement en difficulté face à la crise ? Les salariés dont le pouvoir d’achat a baissé ces dix dernières années ?** Une inconstance des règles du jeu qui risque d’avoir de nombreux effets pervers directs et indirects dont le premier est de pénaliser d’abord les entreprises les plus fragiles ! Une mesure qui pénalise d’abord et surtout les petites entreprises. En effet, le nombre d’heures supplémentaires effectuées dans les entreprises est de 6 fois supérieur dans une TPE de moins de 10 salariés que dans une grande entreprise (chiffres Dares, ministère du travail).
Quelles conséquences pour les entreprises ?
Les patrons de PME s’inquiètent de l’impact de ces nouvelles mesures sur leurs salariés. Risques de tensions sociales, baisse de la motivation, autant d’impacts peu mesurables mais aux conséquences préjudiciables pour une PME. Ils sont 81 %*** à penser que leurs collaborateurs ne sont pas en mesure de supporter cette perte de pouvoir d’achat mais ils sont 83 % à ne pas envisager de compenser financièrement cette baisse de salaire. Une telle compensation aurait effectivement un effet dévastateur en termes de pérennité et développement pour ces dirigeants. Gel des salaires, des embauches, des investissements et surtout des difficultés financières supplémentaires dans un contexte où les marges de manœuvre sont très faibles.
Autre impact peu encourageant envisagé par les dirigeants : le risque de voir partir leurs meilleurs éléments. En effet, dans un contexte économique et social délicat, il est à parier que les entreprises qui feront l’effort de compenser cette perte de pouvoir d’achat deviendront plus attractives. La concurrence ne sera plus seulement celle des grandes entreprises mais également des PME les plus prospères… Comment espérer dans une telle situation, générer 3 millions d’emplois, relancer l’économie et restaurer la confiance ? La modification permanente des règles du jeu ainsi que leur complexité voire leur opacité, nuisent bien plus aux PME que le contexte économique mondial. Qu’on se le dise !
Quelles solutions pour ces PME déjà très chahutées ?
Compenser la perte de pouvoir d’achat des salariés sans avoir recours aux salaires ou primes et aux avantages sociaux dont les niches fiscales seront tôt ou tard rabotées, voilà un défi très difficile à relever. Certaines propositions politiques vont même jusqu’à envisager d’augmenter suffisamment la majoration de l’heure supplémentaire (aujourd’hui de 25 %) pour tenter de compenser la perte de salaire des collaborateurs. Une telle mesure soulèverait des conséquences encore plus graves puisqu’elle augmenterait encore plus le coût du travail. Il est à prévoir que dans de nombreuses PME, on observerait un arrêt pur et simple du recours aux heures supplémentaires. Une réaction sévère puisque les salariés verraient leur pouvoir d’achat amputé de 216 € / mois (selon notre exemple au taux horaire de 10 €) soit 2500 € / an !
Alors, une manière de créer de l’emploi ?
Il y a peu de chance ! Moins de pouvoir d’achat, un coût du travail en hausse et des petites entreprises malmenées par tous ces changements ne généreront en conséquence que peu de croissance. En effet, notre récent sondage auprès de 700 dirigeants de PME révèle que 59 % préfèrent ralentir la production, le coût du travail étant bien trop élevé.
Alors, faut-il baisser les bras ? Surtout pas. Une première piste serait de commencer par agir là où nous le pouvons : les coûts cachés ! 50 % des coûts du travail étant cachés, voilà un réel levier à exploiter pour optimiser et réduire certaines dépenses, et dans le climat actuel, il n’y a probablement pas de moment plus opportun pour se recentrer sur l’essentiel, c’est à dire ses collaborateurs. Développer la motivation par la reconnaissance et le bien-être d’un collaborateur engendre souvent productivité et profitabilité d’une société…
Une chose est sûre, si elles veulent rester dans la course, les PME ont intérêt à se regrouper pour faire entendre leur voix, peser dans la balance… Et inventer de nouvelles façons de prospérer ensemble !