KAZoART, l’entreprise qui met l’art à portée de clics

Mathilde Le Roy, une femme ultra-dynamique et pleine d’ambition, a fondé la galerie d’art en ligne KAZoART, une entreprise qui rencontre un succès exponentiel. Elle nous raconte son histoire et nous livre ses secrets. 

Comment vous est venue l’idée de Kazoart ?

Nous étions en 2015 et l’idée est venue de ma propre expérience. Je voulais acheter des choses un peu plus personnelles et haut de gamme pour mon intérieur. J’avais une famille qui s’intéressait à l’art à la base. J’ai cherché dans des prix assez abordables, c’est-à-dire quelques centaines d’euros ou un peu au-dessus, mais l’expérience qui m’était proposée dans les galeries d’art ou dans les ventes aux enchères est très intimidante.

Je me suis dit que cela devrait être plus facile. Parallèlement voyais aussi qu’un certain nombre d’amis artistes rencontraient des difficultés pour exposer dans les galeries ou être représentés, même quand il sortait des meilleures écoles. Je me suis dit qu’il fallait fluidifier le marché. J’ai donc commencé mon benchmark et, à l’époque, il n’existait pas d’acteur en France. Je me suis aperçue que le concept existait seulement avec quelques acteurs anglo-saxons. Cela m’a rassurée et m’a aidée à conceptualiser.

Quel est le business model de l’entreprise ?

Nous avons évolué en ce qui concerne notre positionnement mais le concept est resté identique. En effet, nous « désintermédions » le marché de l’art. Nous nous mettons à la place des galeries d’art donc nous allons faire une sélection des artistes. Nous avons ainsi mis en place un comité d’experts qui va apporter une caution sur la sélection des artistes. Aujourd’hui nous travaillons avec plus de 1 000 artistes en France et nous sommes en train de nous lancer à l’international. De nombreux artistes internationaux font désormais partie de notre catalogue auxquels nous appliquons les codes du e-commerce à l’art. Vous pouvez trouver ce que vous désirez sur la plateforme par prix, par dimension, par thème … Après cela reste souvent des coups de cœur. En résumé, nous démocratisons l’achat d’art.

Qu’est-ce qui a évolué ?

Au début nous proposions surtout de l’art à petit prix. Nous avions principalement des œuvres de petites tailles et des artistes très émergents. Au fur et à mesure, nous sommes montés en gamme car nous avons acquis une maturité côté acheteur mais également côté artiste. Les artistes sont davantage connus et les acheteurs sont devenus de meilleurs amateurs en art ou se lancent dans des achats plus onéreux après une première expérience réussie. Aujourd’hui, le panier moyen est à 1 000 €. Notre business model repose sur une commission sur vente. Comme le travail reste le même pour une vente à 200 € qu’à 2 000 €, autant faire des ventes plus conséquentes.

Vous avez monté une marketplace sans CTO ?

En réalité, il y a toujours un CTO mais qui n’était pas associé car il ne souhaitait pas l’être. Il nous a aidés dès le départ mais en tant que prestataire externe car il travaillait ailleurs. Nous avons commencé en septembre 2014 et la plateforme est sortie en mars 2015. A la première levée de fonds en 2016, il est devenu le premier salarié.

Dès le début, j’ai été accompagnée par Paris-Pionnières (ndlr : aujourd’hui WILLA) et j’ai bénéficié des financements publics au travers de la BPÏ, prêt d’honneur et bancaire. Cela m’a permis de débuter, d’avoir des stagiaires et de faire de la publicité online. Ce qui nous a vraiment fait décoller c’est le référencement naturel car nous avons toujours eu un blog très actif. Nous faisons de l’éditorial sur la démocratisation de l’art et de la vulgarisation de l’histoire de l’art. Notre site est monté rapidement grâce à cette communication. Aussi, j’ai été lauréate de concours qui m’ont permis de bénéficier de beaucoup de visibilité.

Et par la suite ?

En 2016, nous avons fait une première levée de fonds auprès de Business Angels de 300 000 € pour notamment recruter le CTO. Il s’agissait de mettre en place une première stratégie d’acquisition. Ensuite nous avons continué à nous développer. Au début de 2017, nous nous sommes déplacés à Bordeaux. Déjà pour des raisons personnelles et je trouvais que c’était le bon moment car nous n’avions pas de salariés à Paris hormis le CTO. Cela aurait été compliqué de se déplacer par la suite et donc le CTO est resté à Paris. Aujourd’hui, il ne fait plus partie de l’équipe car Il ne voulait plus être tout seul à Paris mais nous sommes en bons termes !

Malgré cela, je ne regrette pas d’avoir pris cette décision de m’installer en province, autant pour la qualité de vie que pour l’écosystème qui nous a accueillis à bras ouverts. Nous sommes rentrés dans un accélérateur qui s’appelle Hemera et qui a représenté une bonne suite d’accompagnement. Le deuxième salarié, un responsable de la relation client, a été d’ailleurs directement recruté à Bordeaux.

Il y a eu de grands changements depuis ?

Au départ, j’avais un associé mais qui n’était pas dans l’opérationnel et qui était surtout financier. Pendant toute la première année et demie jusqu’à la levée de fonds, il y a un an et demi, j’étais au final seule en tant que dirigeante. Début 2018, nous avons fait une deuxième levée de fonds de 850 000 € auprès d’un fonds d’investissement de la Caisse d’Épargne ainsi que deux réseaux de Business Angels. J’ai recruté, grâce à elle, une vraie équipe de direction avec un CTO, un CMO et une directrice de la relation clients qui sont associés au capital. La configuration de l’entreprise a changé. Il s’agissait également de se lancer à l’international. La France est un petit marché dans le marché de l’art.

Au niveau des artistes cela se passe comment ?

Dès le début, notre concept leur a beaucoup plu. Aujourd’hui, nous avons une centaine de candidatures par semaine et nous n’en sélectionnons que quelques-unes. Le plus difficile reste d’avoir des artistes plus reconnus qu’il faut convaincre d’aller sur le web. Nous avons une démarche proactive.

Quelles sont finalement les difficultés rencontrées ?

Nous sommes en train d’éduquer le marché. Nous amenons les gens à acheter de l’art, souvent pour la première fois et en plus en ligne. Il est sûr qu’il y a un challenge d’éducation du marché, de notoriété et de faire savoir que c’est possible d’acheter de l’art en ligne. Nous avons fait des relations presse pour cela et utilisé notre blog. Nous avons ainsi, par exemple, publié un guide du collectionneur qui est un PDF de 50 pages qui donnent tous les conseils pour commencer à acheter de l’art, téléchargeable gratuitement.

Ensuite, il y a tout un travail pour rassurer le client et qu’il visualise l’œuvre chez lui ainsi que sur les conditions de transport par exemple. On a levé des fonds progressivement en commençant petit. C’est vrai que cela aurait été mieux de pouvoir lever 2 millions d’euros dès le début. C’est pour cela que nous sommes partis sur une stratégie SEO alors que si nous avions eu les moyens dès le début, nous aurions été plus vite. Je ne regrette pas car le manque de moyens oblige à se bouger encore plus, à être attentif et à ne pas dépenser l’argent n’importe comment.

Quelles ont été vos clés de succès ?

Déjà le SEO comme nous l’avons évoqué et ensuite nous sommes très à cheval sur qualité de la relation. Avec les artistes, nous essayons de les avoir régulièrement au téléphone et dans une relation positive. Avec les clients, il faut également faire attention à tous les petits détails au-delà de faire du chiffre.

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris depuis le début ?

Avant de me lancer, je me demandais si j’allais m’adapter au milieu entrepreneurial. Je pensais que j’étais faite pour avoir un chef qui me donnait des directives tous les matins. J’ai découvert que je possédais la fibre entrepreneuriale. Je m’éclate et je suis exactement comme on décrit souvent le chef d’entreprise notamment par ma volonté de soulever des montagnes.

Avez-vous mis en place des valeurs dans l’entreprise ?

Oui ! Déjà l’amour du travail bien fait. Je pense que tout le monde dans l’entreprise adore son travail et tout le monde a envie de bien le faire. On pourrait aussi dire la passion car, même si tout le monde n’était pas amateur d’art, il faut être passionné pour avancer. L’intégrité me semble essentielle car les artistes subissent de nombreuses arnaques et donc ils sont assez méfiants. Il faut être juste avec eux.

Qu’est-ce qui vous motive le plus aujourd’hui ?

Je pense que c’est l’idée de développer un modèle qui n’est pas encore trop répandu, de faire entrer l’art chez les gens et d’aider des artistes à percer. Je pense que ce dernier point notamment est une grande source de satisfaction.

Comment voyez-vous l’avenir ?

Déjà à l’international et nous commençons déjà à avoir des transactions. Nous avons commencé par la Grande Bretagne. Notre but est de réussir à dupliquer notre Business Model pour ensuite attaquer des marchés qui sont beaucoup plus importants en termes de volume comme la Chine ou encore les États-Unis. Ils sont plus complexes à pénétrer d’où une levée de fonds qui devraient s’opérer en fin 2019.

Nous allons donc avoir une équipe plus internationale et le défi va être de se faire connaître. Il va également y avoir un énorme travail de recherche et développement pour optimiser le temps de recherche de l’œuvre. Cela est particulièrement difficile car l’achat est assez irrationnel en art et il va falloir améliorer l’algorithme pour pousser la bonne œuvre en un temps minimum. Nous avons déjà 25 000 œuvres. Le nombre d’œuvre va augmenter donc il faudra nous améliorer toujours plus afin de permettre aux gens de trouver la ou les bonnes œuvres. Il va y avoir des critères évidents comme les dimensions de l’œuvre ou le style mais j’aimerais qu’à terme les suggestions soient davantage performantes afin qu’en un minimum de clics, l’acheteur soit satisfait.

« Je pensais que j’étais faite pour avoir un chef qui me donnait des directives tous les matins. J’ai découvert que je possédais la fibre entrepreneuriale. Aujourd’hui je m’éclate et constate que rien ne pourrait plus m’épanouir professionnellement. »

4 Conseils de Mathilde Le Roy

Quitter la version mobile