De l’importance des festivals dans l’économie locale

La menace a été mise à exécution. Les deux spectacles d’ouverture du festival d’Avignon de vendredi dernier ont été annulés et de nouveaux mouvements de grève restent à pressentir, notamment ce lundi 7 et le 12 juillet prochain. Vendredi, sur le site du Festival In un encart rouge atteste du caractère « résolument intranquille et vigilant » de cette 68e édition. Quelle est l’importance des festivals dans l’économie locale ? Réflexion par un exemple des plus emblématiques. 

Un contexte « militant »

La menace d’un boycott du festival In d’Avignon ne date pas d’aujourd’hui. La coordination des intermittents et la CGT – qui a appelé à la grève mais non à l’annulation des festivals en France – souhaitent faire entendre leurs voix quant au dialogue gouvernemental sur le régime qui les concernent. Au centre des peurs des intermittents : un recul des droits et une précarisation de leurs statuts, notamment sur l’assurance-chômage. Le texte auquel les intermittents disent non a été signé le 22 mars par le Medef et les représentations syndicales CFDT, CFTC et FO. 

Localement et économiquement parlant, les conséquences étaient pressenties quant à une possible annulation du Festival d’Avignon. Le mois dernier, le président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Vaucluse, François Mariani s’est adressé dans une lettre ouverte au ministre du Travail, de l’Emploi et du Dialogue social, François Rebsamen lui demandant de trouver des solutions pour maintenir le Festival d’Avignon et éviter des conséquences sur l’économie locale. 

Le festival d’Avignon en chiffres

Pas étonnant que la Cité des Papes cristallise toutes les attentions. Le festival d’Avignon, c’est 4 semaines de spectacles vivants dans 120 lieux, de la Cour d’honneur du Palais aux plus petites salles. C’est surtout une ville de 86 000 habitants qui devient en l’espace d’un mois la capitale européenne du Théâtre avec plus de 1300 spectacles dans le Festival Off, 30 000 représentations et 4 000 programmateurs, professionnels et journalistes français et étrangers présents dans la ville, selon les sources du Festival Off. 

Contrairement au Festival officiel (le « In »), le Festival « Off » ne perçoit pas de subventions et tire l’ensemble de ses recettes de l’inscription des compagnies ou du public. Sur les 1083 compagnies présentes cette année, beaucoup d’entre elles investissent leur épargne et leurs économies, parfois recueillies sur 2 ou 3 ans pour venir présenter et vendre leur spectacle aux professionnels de la culture, comités d’entreprise… Le Festival d’Avignon est un investissement d’environ 21 500 euros pour une compagnie, selon les organisateurs. 

Avec plusieurs dizaines de milliers de visiteurs français et étrangers, le mois de juillet fait vivre la cité des Papes. C’est, selon les sources du Festival « In », 23 millions de revenus pour la ville d’Avignon pour un budget de 12 millions l’an dernier. Les retombées du Festival sont directes et indirectes, liées à l’achat des billets, à l’hébergement sur place, ou aux à-côtés. Les premiers secteurs bénéficiaires sont l’hôtellerie et la restauration avec 3000 emplois fixes et 1 millier de saisonniers en Avignon. Pour les commerçants de la ville, juillet représente un quart du chiffre d’affaire de l’année et 3 fois le chiffre d’affaire de juin. Plus largement, c’est tout le département du Vaucluse, un département particulièrement touché par la pauvreté selon l’Insee, qui bénéficie de la présence du Festival, créé par Jean Vilar en 1947. 

Le spectre de 2003 

Si le président de la CCI de Vaucluse mentionne dans une lettre au ministre du Travail, François Rebsamen que « le risque d’annulation du festival d’Avignon qui découle de ce mouvement mettrait à terre l’économie de notre territoire, où les entreprises ont bâti leurs activités pour répondre à une forte dynamique culturelle », ce n’est pas sans raison. En 2003, le coup avait été fatal. Une grève des artistes et des techniciens du spectacle avait conduit à l’annulation pure et simple du Festival In d’Avignon. L’économie Vauclusienne avait alors été durement et directement impactée, avec des faillites d’entreprises déjà fragiles qui n’avaient pas survécu. 

Les craintes des commerçants et des hôteliers seraient de revivre un été noir. « 93% de nos entreprises » continue François Mariani « ont moins de 10 salariés et beaucoup sont aussi dans la précarité. Dans un contexte économique déjà très difficile, l’annulation de notre festival conduirait au chômage des salariés du monde la Culture, mais aussi à la défaillance de nombreuses entreprises ». 

Les choses n’en sont pas arrivées jusque là et le Festival d’Avignon est bien parti pour assurer sa 68e édition, non sans mal. Les hôteliers sont toutefois les premiers à parler de « perte sèche« , concernant les réservations annulées au dernier moment. Il en va aussi de la restructuration du public : motiver les spectateurs à se déplacer malgré les appels à la grève.

Les autres festivals menacés

Si nous mettons l’accent sur le Festival d’Avignon, c’est qu’il est l’un des plus emblématiques de France et fédère un véritable engouement de la part du public. Cependant, d’autres festivals et régions sont également menacés par la poursuite du mouvement des intermittents dont les Rencontres photographiques d’Arles (7 juillet-21 septembre) qui s’ouvrent aujourd’hui. Les Francopholies de La Rochelle sont également menacées. 

Le Printemps des Comédiens, festival montpelliérain, qui s’est terminé fin juin, a vu, quant à lui, presque l’ensemble de ses représentations annulées. Dans la région Languedoc, le festival d’Uzès Danse a aussi été supprimé. Les conséquences sont chiffrées à hauteur de 50 millions de pertes pour l’économie régionale.

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