Effets de seuil, pourquoi les entrepreneurs les craignent-ils ?

Pour les entreprises françaises, l’augmentation des effectifs entraîne un ensemble d’obligations légales. Il existe certains seuils marquants dont les effets sont souvent redoutés par les entrepreneurs et décriés par les économistes. Quels sont ces effets de seuil et pour quelles raisons sont-ils si mal perçus par les professionnels ?

Les différents seuils d’effectifs en France

Avec le franchissement des seuils, des aménagements importants sont à mettre en œuvre, pouvant avoir un coût non négligeable. On peut distinguer trois seuils principaux. Au-delà de 10 salariés, une élection des délégués du personnel est obligatoire. Ceux-ci sont élus pour une durée de quatre ans et représentent les employés auprès de l’entrepreneur. Les dirigeants doivent permettre la tenue d’au moins une réunion mensuelle avec les délégués et leur accorder à chacun un crédit temps de 10 heures chaque mois. A partir de 20 salariés, l’entreprise est assujettie à la loi Handicap, stipulant que celle-ci doit compter parmi ses effectifs au moins 6 % de personnes handicapées, sous peine de devoir verser une contribution obligatoire. Le seuil le plus redouté est celui de 50 salariés : il oblige à mettre en place un comité d’entreprise, dont les membres élus bénéficient d’un crédit temps de 20 heures chaque mois.

Un effet bloquant pour les entreprises ?

Il est souvent considéré que les charges entraînées par ces seuils ont un effet traumatisant pour les sociétés, principalement en ce qui concerne la création d’un comité d’entreprise au cinquantième salarié. On parle d’un effet de seuil bloquant, qui inciterait les entreprises à différer ou annuler une embauche pour ne pas être touchées par ce qu’elles considèrent comme une contrainte. Un comité d’entreprise comptant au minimum 3 personnes correspond à 720 heures de délégation par an, devant être payées par l’employeur comme du temps de travail. Une étude de l’INSEE semble confirmer la crainte des entrepreneurs en la matière. On compte en France environ 1 500 entreprises de 48 salariés, 1 600 entreprises de 49 salariés et seulement 600 de 50 salariés, seuil marqué par la mise en place d’un CE. Les probabilités de croissance chutent également à l’approche de ce seuil, confirmant cette tendance.

Une idée reçue à relativiser

Pour autant, il est difficile d’estimer de manière objective la puissance de ces effets de seuil sur les entreprises, et la peur supposée des dirigeants à les franchir. Des experts demandent régulièrement une simplification de la législation en la matière, sur le modèle des autres pays européens, qui aurait en théorie pour conséquence le développement des entreprises de plus de 50 salariés, comme c’est le cas en Allemagne où ces seuils n’existent pas. Néanmoins, si l’on regarde en détail les chiffres, on s’aperçoit que la France est dans l’exacte moyenne des pays membres de l’Union Européenne pour ce qui est de la taille des entreprises : 93,3 % d’entre elles compte moins de 10 salariés, 5,6 % entre 10 et 49, 0,9 % au-delà de 50 employés et 0,2 au-delà de 250. Les effets de seuil sont donc négligeables pour expliquer le peu d’entreprises dépassant les 50 salariés, preuve que la peur qu’ils engendrent relève plus d’une idée reçue que d’une vérité statistique.

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