Les chauffeurs Uber : des salariés

La Cour de cassation a rendu un arrêt ce mercredi 4 mars. Celui-ci devrait profondément remettre en cause le business model d’Uber. En l’occurrence, un chauffeur Uber a vu son contrat requalifié en contrat de travail. Une décision qui semble s’appliquer à l’ensemble des chauffeurs et qui pourrait donc mettre à mal l’entreprise pour plusieurs raisons. 

Cette décision, qui rejette le pourvoi de la société UBER, émane de la plus haute instance et devrait faire jurisprudence et remettre en cause la plupart des plateformes de VTC. Elle intervient en confirmation d’une décision de la Cour d’appel de Paris rendu le 10 janvier 2019 qui avait requalifié un chauffeur VTC travaillant pour Uber en contrat de travail. A noter, qu’en général, les arrêts publiés l’après-midi comme celui-ci montre l’importance que donne la juridiction civile à sa décision qui devrait donc faire jurisprudence.

La caractérisation d’un lien de subordination.

Pour déterminer si une personne est un salarié, la Cour de cassation l’établit à partir de la présence d’un lien de subordination comme nous l’indique l’arrêt « En effet, lors de la connexion à la plateforme numérique Uber, il existe un lien de subordination entre le chauffeur et la société. Dès lors, le chauffeur ne réalise pas sa prestation en qualité de travailleur indépendant mais en qualité de salarié ». Elle ajoute aussi : « La cour d’appel, qui a ainsi déduit de l’ensemble des éléments précédemment exposés que le statut de travailleur indépendant de M. Petrovic était fictif et que la société Uber BV lui avait adressé des directives, en avait contrôlé l’exécution et avait exercé un pouvoir de sanction, a, sans dénaturation des termes du contrat et sans encourir les griefs du moyen, …, légalement justifié sa décision »

Les conséquences de cette décision

Tout d’abord, il faut comprendre que désormais la juridiction compétente n’est donc plus celle commerciale mais bien celle sociale donc les prud’hommes. Désormais les contentieux devraient se multiplier même si la société Uber estime que bon nombre de ses chauffeurs ne désirent pas le devenir. Si plus de 150 dossiers semblent déjà prêts, ils ne représentent que 0.2% des chauffeurs actuels ou passés et devraient faire boule de neige. 

D’autres plateformes pourraient bientôt subir le même sort comme Deliveroo même si les conditions ne sont pas exactement les mêmes. On se souviendra de l’entreprise Take It Easy qui livrait des repas par des coursiers à vélos, aujourd’hui en liquidation. 

Des conséquences sont également à prévoir puisque les entreprises qui s’estiment concurrencées (comme les taxis par exemple) et qui pourraient rapidement venir à la charge et les attaquer en concurrence déloyale

Pire, l’URSSAF pourrait entrer dans la danse et réaliser des redressements de cotisation sociale. 

Mais pourquoi le lien a été caractérisé ainsi ?

En réalité si le fait d’utiliser une plateforme n’entraîne pas contrat de travail automatiquement, il semblerait que certaines pratiques font que le lien de subordination a été caractérisé.  

Il faut dire que l’entreprise procède d’abord à des changements incessants de leurs conditions contractuelles. 

Premier point qui caractérise la subordination : le chauffeur « qui a recours à l’application Uber ne se constitue pas sa propre clientèle, ne fixe pas librement ses tarifs et ne détermine pas les conditions d’exécution de sa prestation de transport ». S’il peut se déconnecter à tout moment, cela « n’entre pas en compte dans la caractérisation du lien de subordination ».

Si ce critère semble fondamental c’est surtout parce que d’autres s’ajoutent comme le fait d’avoir un itinéraire imposé au chauffeur, une destination qui non connue à l’avance ou encore qui l’empêche de choisir la course qu’il veut. Le fait donc de ne pas avoir les éléments essentiels à la prise de décision semble donc essentiel. La société UBER pourrait donc à l’avenir fournir en amont l’ensemble des destinations pour éviter qu’un lien de subordination n’existe.

Le pouvoir de sanction de la marque est délétère. En effet, la société Uber déconnecte le chauffeur à partir de trois refus de course… Le Chauffeur « participe à un service organisé de transport dont la société Uber définit unilatéralement les conditions d’exercice ». Ici aussi la plateforme pourrait changer son fusil d’épaule. 

Une décision qui pourrait bien tout remettre en cause 

Selon Maître Fabien Masson qui plaidait sur cette affaire cette décision pourrait bien remettre le modèle global en cause : « le modèle social du travail dans l’économie collaborative qui concerne principalement les jeunes générations devra trouver sa place dans l’économie française. Il est nécessaire que le législateur se saisisse de la question et offre un cadre juridique répondant à la fois au modèle social français, à la nécessité de protéger des travailleurs qui sont souvent les plus démunis, mais également aux nouvelles aspirations de l’économie collaborative »

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