Interview de Catherine Barba, Fondatrice de Cashstore et Malinéa

L’envie de créer votre entreprise : une vocation depuis toujours ?

Non, mais je réalise que si j’avais eu la chance en école de commerce d’aller plus souvent en cours et surtout de pouvoir y rencontrer des entrepreneurs, j’aurai tout de suite attrapé le virus de la création d’entreprise ! J’ai ressenti très tôt cette envie de liberté, ce besoin d’avoir une prise sur les choses et l’envie d’entreprendre. Alors je me suis lancée dès que l’opportunité s’est présentée.

Comment êtes-vous tombée dans le monde du web ?

Tout juste diplômée, j’ai été recrutée dans une agence de média planning. Le web commençait alors à peine à arriver en France. La directrice de l’agence a repéré que j’étais débrouillarde et a décidé de me confier le développement de la partie Internet de leur offre. Je suis donc tombée dans le web par hasard, par une rencontre. Mais les belles aventures se font toujours grâce à des rencontres fortuites.

Comment avez-vous trouvé l’idée de votre entreprise ?

J’ai créé ma société en 2004, dans le domaine de l’e-commerce que je connaissais bien car j’y travaillais déjà depuis plusieurs années. Je cherchais un service qui puisse, d’un côté donner envie aux clients de consommer davantage en ligne et, de l’autre, de permettre aux sites e-marchands d’augmenter leur trafic. Le levier universel que j’ai trouvé c’est l’argent, le cash. En m’inspirant d’un concept qui fonctionnait bien aux états-Unis et qui me semblait porteur, j’ai lancé une galerie marchande en ligne basée sur le système du cashback.

Etait-ce un plus de maîtriser parfaitement votre secteur d’activité ?

Oui, bien sûr. Cela me permettait surtout d’avoir le réseau nécessaire pour aller plus vite dans le développement de mon entreprise. Mais je suis persuadée qu’aujourd’hui on peut très bien réussir en ne connaissant rien dans le secteur dans lequel on entreprend. Au contraire, le fait que le secteur dans lequel on entreprend soit une passion peut se révéler être un handicap. Il est parfois dur de prendre les bonnes orientations en toute objectivité.

Est-ce que vous avez connu des difficultés dans la création de cette entreprise ?

Non, il n’y a pas eu de difficultés majeures. Je ne suis pas un bon exemple car j’ai eu la chance de pouvoir m’auto-financer. Et puis j’étais dans une phase de construction personnelle où je n’avais pas peur de l’échec. Mais je me rends compte aujourd’hui que j’étais dans l’inconscience totale car il faut être complètement fou pour créer une boîte !

Quel était le cœur de métier de votre entreprise initiale, Cashstore ?

Le principe est simple : quand vous passez par cette galerie avant de faire votre achat sur un site e-commerce, vous gagnez de l’argent qui vous est reversé en cash. Quand le client passe par la galerie pour passer commande sur un des 1 200 sites e-commerce qui y sont référencés, le site reverse une commission à Cashstore.

Mais vous avez rapidement fait évoluer le concept de départ ?

Je me suis rendue compte qu’il y avait une faille dans le modèle économique de Cashstore : une commission était reversée lorsque le client achetait sur le site e-commerce. Or le trafic généré sur nos sites partenaires ne se traduisait que très peu en achat. Pourquoi ? Parce que les sites marchands n’étaient pas assez incitatifs à l’achat. J’ai donc eu l’idée de lancer Malinea, un complément d’activité à l’entreprise qui était un service d’audit des sites pour améliorer leur efficacité. Cette diversification n’était absolument pas prévue dans le business plan initial. Et ce qui est drôle c’est que cette nouvelle activité est petit à petit devenue le cœur de métier de l’entreprise. Nous sommes aujourd’hui l’offre la plus complète du marché sur le secteur, intégrant la formation aux enjeux du web et l’accompagnement des marques dans leur basculement vers le e-commerce.

Vous êtes sur un domaine qui évolue lui-même très rapidement, comment faites-vous pour rester à la pointe ?

J’ai les antennes en alerte et je suis toujours à l’affût de ce qui peut être utile à mon secteur. Je suis inscrite à de nombreuses alertes Google qui me tiennent informée de ce qui se fait dans mon secteur. Et puis je parle, j’échange beaucoup avec les gens de mon métier. Je leur demande ce qu’ils ont repéré de malin. En fait, je suis toujours en veille sur mon secteur.

Je crois que vous vous intéressez à la R&D dans votre secteur également ?

Oui, et c’est pour cela qu’avec des entreprises partenaires nous avons monté un labo dédié aux innovations dans le domaine de la vente en ligne, le Lab e-commerce. Nous avons un observatoire qui recense toutes les innovations qui sont en train d’émerger dans le but d’améliorer et simplifier le fonctionnement des sites de commerce en ligne. Nous sélectionnons les innovations qui nous paraissent judicieuses et les testons sur la plateforme de R&D de Vente Privée. Les informations sur ces innovations animeront ensuite le blog du Lab e-commerce.

Pourquoi avez-vous fait le choix de vendre Cashstore en novembre 2010 ?

En prenant un peu de recul, je me suis aperçue qu’au sein de mon entreprise se développaient deux entités très différentes, Cashstore et Malinea. Je ne pouvais continuer à financer les deux. J’allais soit étouffer les deux, soit ne pas leur permettre de se développer aussi rapidement qu’elles le pouvaient. Un audit de l’entreprise m’a convaincue de passer à l’action. Quelques mois plus tard j’ai trouvé un acquéreur.

Vous et votre mari avez créé au même moment votre entreprise. De plus vous veniez tout juste d’avoir un bébé. N’était-ce pas dur à gérer tout cela ?

Je dirais même que c’était n’importe quoi ! En fait ça a été un concours de circonstances malheureux, un très mauvais timing. Car lorsqu’on crée une entreprise, on a besoin d’être très soutenu par son conjoint. Et là, personne ne soutenait l’autre. Nous étions tous les deux très seuls et du coup nous en voulions un peu à l’autre de ne pas être là. Et en plus il y avait l’arrivée de notre bébé, ce qui est déjà en soit quelque chose de totalement accaparant. J’avais l’impression d’avoir d’un seul coup des triplés ! Ça a été une expérience difficile, mais nous avons eu de la chance car cela aurait pu compromettre des choses beaucoup plus importantes que le travail. Un conseil : quand vous décidez de créer une boite, assurez-vous que votre conjoint n’a pas la même idée et vérifiez que vous n’êtes pas enceinte !

Vous êtes sur de nombreux projets en même temps, comment faites-vous pour garder la santé et le mental au top ?

Je crois que j’ai la chance d’être quelqu’un de profondément optimiste et positif. Mais j’ai aussi besoin de prendre régulièrement du recul, parce que tout cela n’est au final que du travail ! Si une chose me contrarie dans mon entreprise, je m’énerve 10 minutes, puis je me demande « qu’est-ce qui compte vraiment ? ». Il est vrai également que j’ai une énergie folle, ce qui est épuisant pour tout mon entourage, y compris pour mes collaborateurs !

Vous êtes engagée dans des associations pour soutenir les jeunes de banlieue notamment. Pourquoi cet engagement ?

Si je m’engage, c’est parce que l’idée de transmission est très importante pour moi. Quand on a de la chance dans la vie, je trouve cela normal d’en donner un peu aux autres. En plus ça fait énormément de bien. Je m’investis dans deux associations qui me tiennent à cœur. Dans « Nos quartiers ont du talent », j’aide des jeunes de banlieue à reprendre confiance face au marché de l’emploi.

Avec 100 000 entrepreneurs, je me rends dans des salles de classe de banlieue pour dire aux jeunes que c’est possible d’entreprendre et pour transmettre ainsi un message positif d’espoir. J’adore faire ça, même si à chaque fois j’en ressors assez désespérée par les jeunes que j’ai vus et dont le comportement souvent irrespectueux ou désabusé porte à croire qu’ils auront du mal à s’en sortir. J’essaie de leur transmettre l’idée que, pour s’en sortir et ne pas courir ensuite toute sa vie derrière des petits salaires, il faut travailler dur !

Comment vous ressourcez-vous ?

Je pars en Corse voir l’horizon, la mer, des paysages qui me ramènent à l’essentiel. Et je me ressource chaque jour grâce à ma foi aussi. Cela fait partie de ma vie : le matin je « redescends en moi » afin de me recentrer sur ce qui est important et de trouver mon équilibre. Certains peuvent appeler ça de la méditation ou de la contemplation. Il y a une phrase de Christian Lamontagne qui résume cela parfaitement : « Plus il sera facile de se perdre dans un déluge d’informations, plus il deviendra essentiel d’être en contact profond avec soi-même. » J’ai chaque jour une myriade de choses à faire, mais le soir je me reconnecte à moi-même et je m’apaise. Je pense que sans ça on peut facilement craquer ou se mettre à boire trop par exemple.

Vous avez été invitée le 8 mars à l’Elysée pour la journée de la femme ? Quel message avez-vous transmis au président ?

Je n’ai jamais été gênée par le fait d’être une femme dans mon travail, je n’avais donc pas de revendications à ce sujet. Mais par contre j’ai profité de cette occasion pour alerter le président sur le retard de le France dans le domaine du e-commerce. Nous sommes les 17e dans ce secteur selon le classement de l’OCDE. Nous sommes aujourd’hui au niveau de l’Estonie ! Il faut rapidement entreprendre des actions. J’ai peut-être réussi à faire passer le message car je suis de nouveau invitée à l’Elysée pour en discuter !

Les 5 conseils

  1. Souvenez-vous que la vie est courte et qu’il faut se faire plaisir. Donc si vous n’êtes pas bien dans votre poste actuel, faites quelque chose !
  2. Soyez ambitieux. Mon modèle c’est le fondateur de Vente Privée, Jacques-Antoine Granjon qui fait déjà 1 milliard d’euros de CA et qui ne cache pas son ambition d’en faire 10. Cela parait démesuré mais c’est simplement ambitieux.
  3. Ne restez pas tout seul. On est déjà très seul quand on dirige une boîte, alors si on l’est également au capital, ce n’est pas possible. L’association, c’est la clé du succès !
  4. Soyez curieux. Il faut avoir ses antennes en alerte car c’est ce qui va nourrir vos opportunités de business.
  5. Ayez de l’empathie envers vos clients. Mettez-vous toujours à leur place afin de répondre au mieux à leurs besoins.
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