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Entrepreneur

Interview de Carlos da Silva, Cofondateur de MisterFly

Rencontre avec Carlos da Silva, dirigeant et cofondateur de l’entreprise MisterFly, qui a été récompensé cette année aux « Victoires des Autodidactes ». Une satisfaction pour ce serial-entrepreneur de l’univers du voyage qui nous a ouvert les portes de sa réussite. Entretien. 

Comment êtes-vous entré dans le monde professionnel ?

à 17 ans, je me trouvais seul et sans ressources en France, alors que ma famille ne vivait pas dans le pays. De façon très pragmatique, j’avais besoin d’argent donc j’ai décidé de trouver un travail. J’ai fait du porte-à-porte dans les commerces de proximité : boucher, boulanger et agence de voyage. J’ai poussé la porte de l’agence Go Voyages en 1982. C’est l’expérience professionnelle la plus significative dans mon parcours. Mon discours était clair : je ne sais rien faire mais je suis sûr que je ne vais pas vous décevoir, prenez moi à l’essai pendant 15 jours, sans me rémunérer. Lucien Klat, le patron de l’époque, a aimé ce culot et il m’a donné ma chance. J’ai tout fait pour montrer ma motivation, je restais tard le soir par exemple. Le travail a fini par payer, car j’ai obtenu un poste en CDI et j’ai pu rapidement monter les échelons chez Go Voyages. L’aventure a duré 7 ans.

Qu’avez-vous fait ensuite ?

J’ai quitté Go Voyages en 1989. Lucien Klat, qui avait lui aussi quitté la maison, m’a proposé de le rejoindre pour la création d’une start-up, que nous avons nommée Look Voyages. L’entreprise est aujourd’hui devenue un grand tour operator français. Grâce à cette expérience, j’ai vraiment appris ce qu’était la création et la gestion d’une société. La société avait atteint le milliard de franc de chiffre d’affaires en 1995. J’ai quitté le navire deux ans plus tard.

Pourquoi ?

J’ai quitté Look Voyages 8 mois après l’entrée du groupe Canadien Transat au capital de l’entreprise, car à partir de ce moment là quelque chose avait été cassé. Je n’étais plus du tout en phase avec les nouveaux choix stratégiques de la nouvelle direction et dans cette organisation j’avais clairement beaucoup perdu de mon autonomie et de mon pouvoir de décision. Je me suis quand même accroché pendant quelques mois en espérant que la situation évolue dans le bons sens et aussi pour apprendre car c’était clairement une expérience nouvelle dans mon parcours professionnel. Mais plus les semaines passaient plus je perdais ma motivation et j’ai alors sérieusement commencé à rêver de voler de mes propres ailes.

Quel projet plus en accord avec vos valeurs avez-vous trouvé ?

En 1997, je me suis lancé dans une première aventure business avec Nicolas Brumelot et Karim Massoud. à ce moment-là, Air France possédait Go Voyages mais avait fermé cette entité. La marque était clairement dans un tiroir. Nous avons voulu la racheter. Air France nous l’a cédée à un prix abordable et nous avons pu lancer le « nouveau » Go Voyages. Le challenge était très excitant car la marque était connue et représentait beaucoup pour moi. Cela a duré une quinzaine d’années. Le démarrage a été fantastique et le succès a tant été au rendez-vous que dès 1999, le groupe Accor nous a sollicités pour entrer dans le capital de la société. Ils possédaient un département dédié au tourisme mais personne n’était vraiment expert dans le billet d’avion, ce qui était notre spécialité. Nous avons donc accepté de céder 38,5 % du capital au groupe en 1999. à la suite de notre mauvaise expérience avec Transat, nous avions peur qu’ils fassent de l’ingérence, mais le président avait promis de nous laisser carte blanche ! Au fur et à mesure des années, Accor est monté progressivement au capital. En 2004, ils possédaient 100 % des parts. Mais le président Jean-Marc Espalioux a insisté pour nous garder en tant que salariés. Nicolas et moi gérions le projet sans être actionnaires. Puis, Jean-Marc Espalioux a été remplacé, le groupe a changé de politique et Accor s’est progressivement désengagé de ce qui n’était pas son cœur de métier.

Pour autant, vous n’avez pas quitté Go Voyages…

Non ! Avec Nicolas, nous avons réinvesti pour rester à la tête de l’entreprise. Nous en sommes redevenus actionnaires et avons continué à développer l’entreprise qui a très vite obtenu une part très importante du marché de la vente de billets d’avion en ligne en France, avec plus d’1 milliard d’euros de chiffre d’affaires ! Mais si nous voulions continuer à croître, il fallait passer à l’étape supérieure. En 2011, nous avons eu l’opportunité de créer le numéro 1 mondial de la vente de billets d’avion en rachetant Opodo, qui faisait alors 1,5 milliard de chiffre d’affaires. Nous avons fusionné avec eDreams, un concurrent qui faisait à peu près la même taille que nous. L’entité ainsi constituée s’est intitulée Odigeo.

A titre personnel, c’était le moment de prendre un nouveau départ…

Oui. Pour ma part, je travaillais depuis plus de trente ans énormément, je n’avais pas vu grandir mes enfants. J’ai donc quitté l’entreprise et j’ai emmené ma famille faire un tour du monde pendant 1 an. J’ai vraiment découvert mes enfants, qui avaient 3 et 5 ans à l’époque. Entre nous s’est créée une énorme complicité. Cette aventure me marquera à vie.

Pourquoi avoir choisi le secteur du voyage pour se lancer ?

Le secteur est venu par hasard ! Si, à 17 ans, avant d’entrer dans l’agence de voyage, le boucher avait accepté ma candidature, je n’aurais peut-être jamais essayé le métier d’agent de voyage. Je n’ai pas choisi ce métier. En revanche, quand, trois mois après être entré chez Go Voyages, on m’a proposé de partir à New-York pour un week-end gratuitement, j’ai vu à quel point c’était incroyable de voyager. à mon retour j’ai su que c’était ce métier que je voulais faire, à la fois parce que c’est fantastique de vendre du rêve et de pouvoir en profiter soi-même. Aujourd’hui, j’adore toujours autant les voyages !

La création d’entreprise vous a-t-elle titillé à nouveau à votre retour de voyage avec votre famille ?

Oui, clairement, à mon retour, l’envie d’entreprendre s’est fait ressentir. Et le contexte était favorable à la création ! J’ai recontacté Nicolas Brumelot pour qu’on se relance ensemble dans une aventure entrepreneuriale. Nous trouvions tous deux décevantes les méthodes et la qualité de service donnée au client dans notre secteur. Avec de nouvelles idées, une énergie immense et les valeurs qui sont les nôtres, entre-autres, la satisfaction de nos clients et le plaisir de travailler avec collaborateurs et fournisseurs, nous avons lancé MisterFly en avril 2015, avec pour objectif de devenir le spécialiste de la distribution de billets d’avion en France tant auprès des compagnies aériennes qu’auprès des agences de voyages et du grand public. Au total, 48 % du capital de l’entreprise est réparti à l’ensemble de nos collaborateurs. Nous voulions vraiment en faire une aventure commune et pas seulement une aventure financière pour Nicolas et moi. Si notre travail paie, il faut que tout le monde en profite ! Et je n’ai pas d’inquiétude, quand je vois que le démarrage est plutôt positif : nous avons fait en trois mois un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros…

Cet amour de l’entrepreneuriat constitue-t-il votre ADN ?

Sûrement ! Honnêtement, à 17 ans, ma seule préoccupation consistait à obtenir de l’argent pour me payer à manger et un toit. Assez rapidement, j’ai eu envie de ne pas me voir imposé mes choix par d’autres. Lucien Klat, qui a été mon patron pendant longtemps, m’a toujours étonné par sa capacité à diriger. Je l’enviais, il faisait ce qu’il voulait mais il était tellement gentil avec tous ses collaborateurs. Je trouvais cela fantastique : être libre et décider des actions qui vont dans le sens du bien-être des collaborateurs. Je voulais pouvoir répliquer ce modèle !

Que représente l’entrepreneuriat pour vous aujourd’hui ?

C’est la notion de liberté qui prédomine, bien sûr. Mais le revers de la médaille, ce sont les responsabilités qui vont de pair. En tant que dirigeant, vous êtes responsable de tout ce qu’il se passe dans votre entreprise. Si l’entreprise va mal, c’est un problème pour tous les collaborateurs et vous devez pourtant assumer les salaires, la gestion quotidienne, le management dans la difficulté. Pour ma part, cela constitue une motivation supplémentaire afin de faire en sorte que tout se passe le mieux possible chez MisterFly.

Vos proches vous ont-ils soutenu dans vos choix d’entrepreneur ?

Complètement. Mes proches connaissaient tous Lucien. Ils étaient rassurés que cette aventure chez Look Voyages soit réalisée de concert avec lui car il est reconnu comme un excellent professionnel et très bon patron. En revanche, plus de questions se sont posées avec Go Voyages. Pour racheter l’entreprise à Air France, j’ai dû m’endetter.

Quels sont les clés de votre réussite aujourd’hui ?

Ma détermination et mon optimisme sont sans conteste les deux atouts qui m’ont mené au succès ! Je me pose des questions avant de me lancer, mais une fois que j’ai fait un choix, j’y vais à fond et j’y crois à 100 %. Je suis intimement convaincu que le fait d’être positif ouvre certaines portes qui seraient restées entrouvertes, voire fermées, si vous n’avez pas ce caractère. J’ai également toujours su bien m’entourer. J’ai toujours fait le choix de travailler avec d’excellents professionnels, quitte à sacrifier des parts dans mes entreprises ou à avoir une masse salariale plus élevée. Je crois qu’une de mes qualités, c’est de percevoir assez bien les qualités et défauts des personnes. Cela permet de positionner chacun dans une zone de confort et d’efficacité maximale en attribuant des tâches là où est la performance et non l’inverse. Cela vient du fait que je suis un joueur de poker depuis longtemps. Dans cette discipline, vous devez apprendre à lire les autres joueurs. Cela m’a servi du côté professionnel. Aujourd’hui, je peux rapidement dire avec qui je veux travailler.

Quel regard portez-vous sur l’importance d’une association dans une aventure entrepreneuriale ?

Entreprendre à plusieurs, c’est très stimulant ! On réfléchit mieux à plusieurs. Quand l’un d’entre nous a un coup de mou, l’autre l’aide à se relever vite. Il faut simplement faire attention à ne pas entrer en conflit entre associés. C’est facile à dire mais pas simple à faire ! Avec Nicolas, nous avons vite réalisé qu’on était fait pour s’entendre. Depuis 1984, nous sommes associés et nous ne nous sommes jamais engueulés au sens propre du terme ! Souvent, nous n’avons pas été d’accord, mais à chaque fois, le débat s’est avéré constructif et des solutions ont émergé.

3 Conseils de Carlos da Silva

  • Bien s’entourer, que ce soit de collaborateurs ou d’associés. C’est vital dans le succès du projet.
  • Ne pas hésiter à partager avec d’autres entrepreneurs, à les questionner pour valider vos avancées. Allez chercher des contradictions auprès de vos proches ou de conseillers pour vous aider à mieux ficeler le projet !
  • Avant de se lancer, il faut croire à 100 % dans son projet. C’est extrêmement difficile de créer, il ne faut pas se leurrer. Pour 100 tentatives, il n’y en a qu’une qui va au bout ! Il faut se lancer au bon moment et avoir la bonne exécution. Il faut donc une foi absolue en son projet pour percer.

« Ma détermination et mon optimisme sont sans conteste les deux atouts qui m’ont mené au succès ! Je me pose des questions avant de me lancer, mais une fois que j’ai fait un choix, j’y vais à fond et j’y crois à 100 %. »

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